19 février 2011

Inanna, un visage non-domestique et non-maternel du Féminin


Encore un extrait d'article très intéressant écrit par Lishtar et tiré du site Gateways to Babylon,  traduit par mes soins. N'hésitez pas à consulter le document dans son intégralité, car je n'en ai traduit que les parties qui m'étaient les plus utiles dans mes recherches personnelles :)



"Inanna/Ishtar nous fournit sans doute le plus complet portrait d'un Féminin non-domestique et non-maternel. Sa féminité est indéniable [...] mais au juste, sur quoi repose-t-elle ? Le meilleur moyen de répondre à cette question est d'examiner la féminité de cette déesse à la lumière de ce qu'elle n'est pas, en la comparant aux modèles traditionnels de féminité et aux rôles joués par les femmes dans la société.[...]

Premièrement, la Maternité, traditionnellement considéré comme la réalisation féminine par excellence, ne fait pas partie des attributions d'Inanna. Elle est définie comme la déesse de l'Amour et de la Guerre, comme l'Amante et la Guide des Dieux ; mais jamais comme la Nourricière, l'Aimante, la Pourvoyeuse, ou encore comme la Déesse Mère qui pardonne toute chose. Elle est donc profondément différente des Grandes Mères de Mésopotamie, comme Ninhursag, Ninlil, Ningal ou encore Tiamat. Inanna ne nourrit pas avec son utérus et n'engendre pas [...]. Néanmoins, elle accorde une naissance spirituelle aux héros et aux rois à travers l'inspiration et l'encouragement. Elle stimule la croissance à travers l'action, car elle détient la Plante de Vie en son pouvoir (comme dans le mythe d'Etana). [...]

Une Grande Mère offre sans compter, et pardonne en toute occasion. L'Amante, elle ne pardonne pas, si les promesses d'Amour sont négligées, oubliées, trahies. Ainsi, Inanna est inflexible lorsqu'elle condamne Dumuzi à rejoindre le monde souterrain [...] L'archétype de la Grande Mère nous nourrit de son sein pendant toute notre enfance, tandis que les Déesses plus dynamiques, non maternelles, nous apparaissent alors que nous sommes sur le point de prendre notre existence en main. Une personne mature, intègre, n'a pas besoin d'une Mère. Elle a besoin de l'inspiration d'un Guide, d'une Muse, qui l'aide à dépasser ses limites intérieures et extérieures. Et voici ce qu'est, précisément, Inanna/Ishtar.

Quoiqu'il en soit, Inanna/Ishtar est aussi une Mère. D'après ses mythes, elle a deux fils, Shara et Lulal. [...] Tout ce que nous savons d'eux, c'est qu'ils sont deux puissants dirigeants de villes mésopotamiennes. Ainsi, Inanna n'existe pas en opposition à l'archétype de la Mère, mais elle est un développement naturel de la figure de la Grande Mère.

Deuxièmement, Inanna/Ishtar entretient une bonne relation avec le Féminin, que ce soit avec sa mère Ningal ou les filles de son âge, tel que cela est relaté dans les poèmes du cycle Inanna/Dumuzi. [...] Même pendant le récit de sa descente, il n'y a pas de réel antagonisme avec sa soeur Ereshkigal. [...]

Troisièmement, alors que les autres Déesses de Mésopotamie représentent davantage les Femmes dans la société et dans les pratiques liées au foyer, comme le domaine de la guérison (Bau et Gula), la gestion du foyer (Ninlil), la brasserie (Ninkasi), le tissage (Uttu), l'apprentissage (Nisaba)... Inanna partage avec les Grands Dieux de Mésopotamie un aspect stellaire qui n'est pas présent parmi les Grandes Déesses : elle est l'Etoile du Matin, mais aussi l'Etoile du Soir, dont le culte peut être tracé très loin dans le temps. [...] Ceci montre que les pouvoirs d'Inanna/Ishtar sont autant immanents que transcendants, faisant même d'elle, occasionnellement, la consort d'Anu, Dieu du Ciel et Chef du panthéon mésopotamien.[...]

Gebhard J. Selz a  écrit à propos d'Inanna, en citant B. Gronemberg : "si Inanna/Ishtar est restée si importante, c'est parce que son aspect le plus saillant n'est pas celui d'une déesse-mère"..."En fait, une Déesse faisant preuve de telles prouesses sexuelles, qui excelle dans la bataille et les luttes, et qui contrôle probablement la fertilité animale, est un concept nettement plus captivant que l'ancienne Magna Mater... Au-delà de cela, je soupçonne que c'est son caractère bi-polaire, son ambivalence, le fait qu'elle dépasse les contradictions et réconcilie les opposés, qui a interpellé tellement de monde..."

Pour résumer, Inanna/Ishtar en tant que Féminin non-maternel et dynamique existe d'abord en tant que Soi libérateur et libéré, mais n'entre pas en opposition avec l'archétype de la Grande Mère [...] Elle est la version libérée du pouvoir féminin capable de générer la vie, non par l'utérus, mais dans le domaine de l'esprit, des idées et des faits. Inanna représente non pas la naissance biologique, mais l'épanouissement de la vie intérieure, alors que nous évoluons et apprenons sur les plans de l'amour, physique et spirituel, et nourrissons ainsi notre vie extérieure. Alors que nous quittons l'enfance de l'esprit, elle nous pousse, avec sa joie et son énergie, à nous tenir debout, et à prendre le contrôle de nos destinées [...]

9 février 2011

A propos d'Ereshkigal

Quelques éléments à propos d'une Déesse, une "autre" Divinité des Enfers, qui m'interpelle énormément depuis plusieurs mois, et au sujet de laquelle on trouve si peu d'informations ... Voici donc une traduction personnelle d'un texte écrit par Lishtar, et dont on peut trouver la source ici .


 Inanna's Descent, par Judith Shaw

 

"Ereshkigal est la grande Déesse sumérienne du Monde Souterrain, du royaume des Morts. Son nom signifie Dame de la Grande Place, un euphémisme désignant le pays des Défunts, également conn en tant que pays du Non Retour. Elle est mentionnée dans des documents sumériens très anciens ; des listes d'offrandes et des temples lui étant dédiés étant déjà mentionnés pendant la période de la troisième dynastie d'Ur.

Qui est Ereshkigal, et comment pouvons-nous comprendre sa nature ? Dans le mythe de création sumérien, après que Ki, Terre-Mère et Reine, fut séparée d'Anu, Père des Cieux et roi, par Enlil, le maître des Vents et leur premier-né, l'Unité Primordiale du Ciel et de la Terre fut brisée à jamais. Dans le ciel, Anu pleurait Ki, regrettant son amour et ses baisers. Ses larmes rencontrèrent la Déesse Nammu, l'Océan, Mère Primordiale d'Anu et de Ki. Nammu se rendit auprès du Seigneur du Ciel, et pour la première fois, la Mère et le Fils firent l'amour. De la rencontre de leurs corps naquirent des Jumeaux Divins, nommés Enki et Ereshkigal.


Ici, nous détenons la première clé pour comprendre les mystères d'Ereshkigal. Elle est la soeur jumelle d'Enki, dieu de la Magie, des Arts et des Eaux Profondes. En tant que soeur jumelle et meilleure amie, elle est la connaissance intérieure, tandis qu'il représente la connaissance extérieure. La Magie, les Arts et les Eaux, qui font grandir et transforme la Vie, sont les manifestations extérieures du Savoir caché, qui entre en action ; ce qu'Enki sait et fait en externe, Ereshkigal le fait et le sait en interne.


Elle est également reine du Monde Souterrain ; la question qui nous vient alors à l'esprit est : quelle est/était la vision de ce Monde pour les anciens, et quelle est-elle pour nous, qui vivons dans la lumière des Traditions à Mystères ? La cosmologie nous apprend que les anciens Mésopotamiens percevait une réalité englobant les plans physique et subtiles, unie par le Duranki, le lien entre les Cieux et la Terre. Il y avait les Hauteurs, où régnait Anu, ainsi que les Igigi et les Anunnaki, hôtes divins du Ciel et de la Terre, qui avaient leurs homologues dans le Monde Souterrain. Et enfin ce dernier, lieu de justice et d'expiation, où régnait Ereshkigal.


La clé pour comprendre le Monde Souterrain ne réside pas dans la mauvaise presse qu'on lui fait d'ordinaire, mais dans les récompenses rapportées de toute Descente qui y est entreprise. Réfléchissez un instant. C'est dans l'Obscurité qu'on trouve de multiples trésors, si seulement on sait ouvrir les yeux et voir. Or, argent, pierres précieuses, pétrole, tous se trouvent au coeur de notre Terre. C'est pourquoi les alchimistes disent qu'il est nécessaire de visiter l'intérieur de la Terre afin de trouver la Pierre Philosophale. Et c'est également l'étape indispensable pour transformer notre vision du voyage vers Ereshkigal en une vision d'Humanité qui transcende toutes les Morts, toutes les Séparations, et nous permet de retrouver l'Unité Primordiale, avec nous-même, avec le monde.


Ereshkigal est la Maîtresse de l'Essence, qui nous apprend à aller au-delà des Apparences, vers la Réalité de la Justice et de la Vérité. Inutile de dire que cela ne peut se faire sans épreuves à franchir dans la vie quotidienne.


Il est dit qu'Ereshkigal fut kidnappée par Kur, le Dragon Primitif, et qu'elle fit alors du Monde Souterrain son domaine, après y avoir été emmenée de force. Kur pourrait bien représenter l'Indompté, le Sauvage, les Energies qui doivent être contrebalancées, l'Inconnu. Il est également raconté que lorsque ceci eut lieu, Enki, son frère jumeau, voulu partir à son secours, construisant même un bateau à cette fin. Pendant sa descente, il fut attacké par des roches cosmiques, mais s'accrocha à son but. Nous ne savons point comment se déroula la rencontre entre frère et soeur, mais nous savons en revanche qu'Enki revint du Monde Souterrain porteur des graines du futur Arbre de la Connaissance, Huluppu, qu'il planta sur les rives de l'Euphrate.


Fondamentalement, tous les grands voyages initiatiques qui passent par le Monde Souterrain exigent qu'on parvienne à un équilibre entre éléments intérieurs et extérieurs en soi et dans le monde, ainsi qu'à une intégrité de l'esprit, du coeur, du corps et de l'âme. Ainsi, la rencontre avec Ereshkigal est un seuil à franchir pour comprendre Inanna en tant que Chamane qui dépasse la Mort, pour saisir pleinement la portée des actes magiques opérés par les uns (Enki), et pour perpétuer les traces laissés par d'autres, au-delà de l'existence physique (Nergal).


Peut-être que la citation ci-dessous, une de mes favorites, peut donner une meilleure idée de la véritable essence d'Ereshkigal. Ainsi, Florence Farr, une des prêtresses de l'Ordre Hermétique de l'Aube Dorée, dit un jour :


"Je me tenais nue dans l'Eternité obscure et morne, et l'emplis de mon exultation".


Je pense qu'Ereshkigal en personne aurait pu s'exprimer ainsi."