17 septembre 2013

Perséphone - Poème par Therese Leigh

Extrait de "Hell and Its Horizons"
Traduction et adaptation personnelles.
Disponible en anglais sur ce site.


L'enlèvement de Perséphone par Rembrandt


I

Sa main a engendré la grâce des champs.
Quand je pense à mon enfance,
Je me souviens d'un éternel printemps -
Une explosion constante de fleurs nouvelles,
Le bruissement que je pensais sans fin d'ailes lumineuses,
La quiétude de pétales dorés s'ammoncelant,
Le doux bourdonnement dans la brume au-dessus de la prairie
Des abeilles plongeant dans le nectar.
Je m'ouvrais à la terre florissante
Libre d'aller et venir parmi les fleurs.
Ma généreuse Mère déposait ses présents devant moi
Comme si elle se déchargeait de pommes mûres
Emplissant son tablier, débordante de fécondité,
Et je goûtais à la richesse de son lait,
Au miel de ses baisers,
Son regard plein d'amour sur mes joues tendres
Tandis que je sautillais parmi l'abondance.
Innocente parmi les vierges
Je pillais le champs ensoleillé,
J'emplissais mon panier jusqu'à ras bord,
Piochant sans fin là où de gaies pâquerettes me faisaient signe,
Sans le moindre soupçon.
Alors sa main m'agrippa,
Au centre d'un ravissant bosquet
M'emportant avec lui dans les profondeurs
Si soudainement que je n'ai pas pensé à me replier
Mon visage plongea
Parmi les pétales
Et je chutai
Saisie dans sa sombre embrassade.
Mes cris
Vers ma Mère et la lumière
Il n'en tint pas compte
Et je voyageais sous sa cape
Vers le Tartare
Où la couleur de mes joues s'estompa,
Laissant place au blanc de la Mort
Sous l'ardeur
De ses baisers répugnants.
Il déchira mon habit
Et dévora tout ce qui était pur.

II

Fiancée de la Nuit.
Reine des Morts.
Le tumulte gris gonfle
Engouffrant mes sens,
Jusqu'à ce que je ne parvienne plus à me souvenir
de la couleur et de la lumière ;
Et j'apprends l'étiquette,
Comment régner parmi les ombres.
Je glisse dans un rêve de nepenthe.
Pourquoi ce mal-être intrigue-t-il les hommes -
Mon infortune, ma prison,
Robe noire humide de liquides innommables,


Peau qui sent
Comme le chagrin,
Yeux tels des feuilles mortes,
Secs, secs,
Sans plus la moindre larme à pleurer.
Je deviens froide -
Les voici, les hommes,
Qui veulent me faire sortir
Des entrailles de l'Enfer -
Thésée,Pirithoüs.
Ils veulent baiser
La Reine des Morts.

III

Les grains de grenade...
J'en ai mangés - seulement six -
Et voici qu'ils me lient à mon triste destin
Les Dieux m'ont blâmé pour ma faim
Et désormais, je réside ici la moitié de l'année.

IV

Les célébrants attendent
Le retour de la jeune fille,
Et je suis extirpée de la nuit et du chaos,
Etendue soudain parmi les douces
Marguerites de ma jeunesse.
Les mains blanches des vierges
me relèvent,
me baignent dans la source,
Elles pincent mes joues -
Offrant des roses à ma pâleur,
Et je suis propre à nouveau,
Virginité restaurée.
J'essaye de sourire
En approchant les célébrants.
Ma mère se réjouit,
Accélère son pas.
J'avance doucement
Et vois dans son visage
Comment elle a fait renaître le monde
pour moi.
Ils n'ont pas l'air de savoir
Que je prétends être vivante.
Nul ne s'inquiète
Si le rite est un simulacre -
Il doit être parfaitement conduit
Et en temps mesuré.
Prêtresse et hiérophante
attendent patiemment
leur union impie.
Ornée de guirlandes, je danse dans l'allégresse des jours saints
Un automate,
Une poupée de chiffon,
Pion des Dieux
Ne savent-il pas que mon coeur noir
N'a pas changé de couleur ?
Je suis la Reine des Morts
Ma peau flotte dans la lumière du jour
Comme un drapeau défraîchi
Attendant d'être porté
Vers son véritable pays.

1 commentaire:

Lucy Dreams a dit…

C'est superbe. Et ta traduction est parfaite.